Ça aurait pu être une journée normale à Feather Town. Le doux soleil automnal caressait les feuilles aux formes uniques et aux couleurs chatoyantes. Un paysage presque idyllique auquel les habitants étaient habitués, mais qui ne manquait pas d'impressionner les touristes à chaque occasion. C’était malheureusement ce qui allait aujourd'hui causer quelques problèmes à la ville d’ordinaire si tranquille.

“Combien ?! Pour une seule cape c’est du vol ! J’ai vu les autres clientes, elles l'ont eue tout de suite et pour même pas un centième du prix ! Vous vous foutez de moi ?!”

La voix tonitruante d’une géante secouait l’entièreté de la ville alors qu’elle pestait contre un pauvre tailleur tentant vainement d’expliquer au colosse capable d’écraser sa boutique d’un coup de pied qu’il ne pouvait pas lui faire l'une des fameuses capes en feuilles qui font la fierté du commerce local dans l’immédiat ou au prix habituel. Sans grand succès malheureusement, Gamera avait déjà éclaté la majorité du trottoir faisant face à son enseigne en tapant du pied d’impatience. Le pauvre homme tenta un dernier angle d’argumentation.

“M-madame…les autres clients ne demandaient pas autant de em…ressources…
Votre cape nécessiterait environs cent fois le nombre de feuilles utilisées dans une cape normale au bas mot…”

Cette ligne qui semblait pourtant raisonnable eu pour effet de faire sourire la géante, ses dents acérées firent frémir le petit homme qui fut presque rassuré quand elle commença à se tourner dans d’autres directions, il cru un instant qu’il était sauvé et qu'elle allait porter son attention sur autre chose quand il entendit la conclusion de la géante.

“Cent capes donc, pas de soucis, je vous trouve ça vite fait.”

Il n'eut pas le temps de la questionner, ou même de comprendre ce qu’elle voulait dire par là. La géante avait déjà commencé son plan. D’un pas elle arriva au niveau d’un passant resté un peu trop près de la scène et le saisit entre deux doigts sans plus de cérémonie. Elle lui retira alors avec une subtilité très relative la cape qu’il portait fièrement. Une fois son butin récupéré, elle bazarda le pauvre homme sur un toit proche comme on jette un mouchoir ayant fait son office.

“Et de une. Plus que quatre-vingt-dix-neuf."

Devant le spectacle d’une colossale blonde occupée à déshabiller les habitants un par un et ne comptant vraisemblablement pas s’arrêter de si tôt, les autres habitants prirent la seule décision sensée et se pressèrent donc de prévenir les autorités compétentes. Sans l'ombre d’une résistance digne de ce nom pour l'instant, la géante s’en prenait à cœur joie d’attraper les petits habitants colorés un par un pour collecter leurs jolies capes.

Elle oublia presque pourquoi elle faisait ça et se prit au jeu, s’amusant à les laisser courir pour les surprendre en contournant leurs rues en marchant. le fait qu’elle voyait par-dessus la plupart des bâtiments lui donnant un avantage certain. Alors que les pauvres citoyens vivaient là un véritable moment d’horreur, la géante, quant à elle, passait un aussi bon moment que si elle se trouvait à la foire entrain de pêcher des petits canards pour un prix.  

La récolte avait considérablement ralenti après quelques dizaines de minutes. Au départ tout se passait bien, les petits habitants colorés couraient dans tous les sens, elle les rattrapait d’une foulée et les soulevaient un par un sans aucune difficulté, et enchaînait avec un autre. Elle commençait à avoir formé une bonne pile de cape, et une toute aussi grosse réserve de citoyens déshabillés et traumatisés, mais elle commençait à réaliser qu’un problème se posait. Maintenant que la première vague est passée, les habitants sont allés se planquer chez eux ou dans les bâtiments publics, et il devenait donc de plus en plus complexe de trouver une cible en terrain dégagée.

La chose raisonnable à faire dans ce cas là aurait été de laisser tomber ce plan idiot. Cependant Gamera n’était pas du genre raisonnable ou même à avouer qu’un plan qu’elle a conçu puisse être idiot. Aussi elle opta pour une seconde méthode. Sans hésitation elle approcha du plus grand bâtiment à proximité et commença à lentement le pousser, les fondations craquant à mesure que son puissant bras forçait contre elles.

“Vous faites comme vous voulez mais si vous sortez pas je devrais récupérer vos capes dans les décoooombres ♫”

Gamera qui décidément passait un très bon moment, avait ponctué sa fin de phrase d’une intonation musicale. C’est donc, ainsi que l’opération passa de simplement secouer quelques villageois à une destruction de masse de bien matériels. Fort heureusement pour les citoyens, la marine arrive bientôt.

Gamera était accroupie en train de ramasser un tas de cape laissées par des passants suffisamment intelligents pour comprendre que c’était là de loin la meilleure solution si ils voulaient éviter de l’énerver davantage ou de se faire soulever comme les autres.

“Soixante-trois, soixante-quatre, soixante-cinq…Quoi ?”

Interrompue par les sons des marines approchant de sa position, elle tourna la tête, agacée. Malgré sa longue robe noir et ses bijous qui se voulaient élégants, accroupie ainsi et tournée avec son regard noir, la blonde ressemblait d’avantage à une déliquante qu’autre chose, une énorme et particulièrement destructive déliquante.

Ça n’allait pas s’arranger quand elle se leva et prit quelques pas lourds faisant trembler les pierres de la route pavée sous les pieds des soldats. Elle tourna la tête pendant son trajet pour repérer les navires dont ils étaient venus. Un, non, un deuxième plus loin.

“Bah, seulement deux navires c’est jouable au pire.”

Marmonna-t-elle pour elle-même, mais assez forts pour que certains soldats l’entendent et comprennent qu’elle n’était certainement pas intimidée par les moyens mis en œuvre.

Toisant les petits hommes du haut de ses dix huits mètres, elle s’arrêta à une dizaine de mètres de la troupe et reprit une position accroupie, fixant agressivement celui qui était censé avoir quelque chose à lui dire. D’un mouvement de menton sec, elle lui fit signe qu’elle attendait ses paroles.

“Alors ? Dépêche, j’ai pas que ça à faire.”

La géante cligna des yeux quelques secondes. La surprise étant on ne peut plus visible sur son visage gigantesque penché sur le groupe de petit marins. Ils allaient vraiment lui donner ses capes ? Elle ne s’attendait pas à aussi peu de résistance, mais si ces perdants avaient fini par reconnaître qu’ils n’avaient aucune chance de l’arrêter de toute façon, c’était tant mieux.

Un grand sourire carnassier se dessina sur les lèvres de la géante qui regardait de haut les petits hommes claquant des jambes. Il existe des personnes, prédateurs sociaux dans l'âme qui voient le moindre signe de faiblesse comme une soumission et une preuve que l’on pouvait abuser de son interlocuteur à volonté. Gamera est de ces gens là.

“Ah bon ? Vous allez vous en occuper ? Ça me va, j’aime les sujets qui savent rester à leur place.”

Les paroles et l’attitude de la géante étaient si humiliantes que malgré l'évidente différence de gabarit, certains marins commençaient à sentir le sang leur monter à la tête. Elle ne s’était même pas donné la peine de donner son nom et ne semblait même pas considérer les forces de l’ordre présente comme autre chose que des serviteurs venues l’assister. Le négociateur en revanche, n’avait semble-t-il pas autant d’amour propre que ses recrues. D’une voix tremblotante, il finit par répondre.

“B-bien em…nous allons nous en…occuper oui…si nous pouvions juste…comme je l’ai demandé…avoir votre nom ?”

Semblant l'ignorer, la géante s’était redressée pour attraper quelque chose sur un toit plat un peu plus loin. Avant que les soldats ne puissent demander au négociateur s'il comptait vraiment se plier à la volonté de cette criminelle, un énorme tas de feuilles tissées entre elle s’écrasa sur le gradé et les hommes alentour. La blonde venait de laisser tomber la réserve qu’elle avait accumulée.

“Votre reine s'appelle Rea D. Gamera mais pour vous ce sera 'votre Majesté'. Vous avez…mmh disons, deux heures pour trouver le reste et me coudre le tout ensemble mes petits sujets.”

Sans plus de cérémonie, la géante se tourna vers un groupe de bâtiments qu’elle avait remarqué plus tôt, une banque solide à un étage entourée par deux bâtiments à trois étages. La forme de l’ensemble avait immédiatement tenté la reine en herbe qui allait à présent en profiter. D’un pas confiant, Gamera alla jusqu’au bâtiment et s'assit dessus, reposant ses bras sur les deux constructions alentour comme les accoudoirs d’un trône. Reposant son menton sur sa main droite dans la posture typique du souverain ennuyé, elle toisa les petits membres des forces de l’ordre occupés à sortir du tas de vêtements qui les avaient enterrés.

Elle s’amusait à voir les plus lâches paniquer et se presser de rassembler les vêtements alors que d’autres frustrés par leur impuissance se pressaient vers les navires amarrés au abord de l’île. Certains avaient probablement réalisé que le nom qu’ils venaient d’entendre leur était familier, il faut dire que la géante était plutôt connue sur West Blue. Qu’ils y aillent, punir les petits récalcitrants était aussi le devoir d’une reine après tout, et elle se devait de l’accomplir avec panache.